La croissance sans limite du marché des colis du e-commerce

Mondial relais,DHL, UPS, Colissimo... Désormais les clients du e-commerce ont l'embarras du choix pour recevoir leur achat, à domicile ou, de plus en plus souvent, dans un commerce de proximité. Avec la période des soldes, les professionnels de la livraison s'attendent à un nouveau pic ; quelque 350 000 paquets devraient passer aujourd'hui entre les mains des opérateurs de La Poste, sur la plateforme Colissimo de Cavaillon, qui en traite 200 000 en temps normal, et jusqu'à 600 000 à Noël. Le marché du particulier est si considérable, avec l'explosion du e-commerce, qu'il attire désormais des acteurs de renom, jusque-là cantonnés au monde de l'entreprise, comme les expressistes UPS ou DHL et voit entrer dans la course de nouveaux acteurs, prêts à concurrencer les leaders historiques, comme l'Aixois Hopps ou Wing, accompagné par l'incubateur Zebox. "Aujourd'hui l'arbitrage se fait sur le prix mais aussi sur le confort et la rapidité", témoigne Antoine Pottiez, directeur général de Mondial Relay, qui challenge La Poste avec plus de 60 millions de colis expédiés en France en 2018. Dans un monde où tout s'accélère, en particulier la consommation, la constitution d'un solide réseau de dépôts de proximité est devenue l'arme de séduction massive face à l'acteur historique toujours leader avec ses 10 000 "pick-up service", sans compter les 17 000 postes et points contact...

Les acteurs investissent pour livrer les colis à J+1

Chaque matin sur les ondes radio, un spot publicitaire met en scène un commerçant de proximité enthousiaste à l'idée de devenir un "point relais" pour Mondial Relay. Le groupe allemand déjà partenaires de 692 commerces de proximité dans la région, où les particuliers peuvent envoyer et recevoir des colis, s'est lancé dans une vaste campagne de recrutement, pour atteindre 10 500 points en France d'ici la fin de l'année, contre 8 300 actuellement. En croissance à deux chiffres depuis dix ans, cette ex-filiale du groupe Trois Suisses compte aujourd'hui dans son portefeuille plus de 40 000 sites de e-commerce dont les poids lourds CDiscount, Amazon ou H & M. Et se les partage avec d'autres acteurs, eux aussi tirés par la croissance des achats de particuliers en ligne. Un marché où il y a de la place pour tout le monde, au point que les investissements dans de nouvelles plateformes logistiques affluent. Amazon, à la fois client et concurrent de tous ces acteurs, a ainsi construit il y a deux ans 11 000 m² dédiés à l'acheminement des colis dans le dernier kilomètre à Bouc-Bel-Air, où elle fait travailler une myriade de transporteurs locaux. "Nous sommes dans un contexte de croissance de la demande, de l'ordre de 25 % par an en volume", confie l'une des porte-parole du géant américain, qui ouvrira bientôt un 9e site similaire en Moselle. La Poste vient de poser la première pierre d'une nouvelle plateforme Colissimo aux Arcs-sur-Argens dans le Var. Elle prendra en charge une partie du trafic (à destination du Var et des Alpes-Maritimes) de celle de Cavaillon, d'ici la fin de l'année, qui traitait jusqu'à présent 12,5 % du trafic de colis du groupe en France et arrivait à saturation. "Ce site mettra aussi en oeuvre un process de chargement en vrac, qui permettra de traiter 14 000 colis à l'heure, contre 10 000 ici", explique Loïc Martinez, le directeur de la plateforme de Cavaillon où les "conteneurs", ces corbeilles de 160 kg en acier que l'on entassait dans les camions avec des colis à l'intérieur, seront aussi bientôt bannis, au profit du vrac. La Poste va ainsi éliminer 3 000 de ces chariots qui circulent actuellement dans la région pour empiler trois fois plus de colis dans les camions et en réduire le nombre sur les routes. "Dans ces nouvelles plateformes en flux "vrac" le colis passera cinq minutes à peine", ajoute le professionnel.

Le J+1, une proposition indispensable

Car désormais le J + 1, est une proposition indispensable pour demeurer dans la course. Si La Poste est capable d'assurer cette prestation dans 70 % des cas, le phénomène a attiré les expressistes sur le marché des particuliers, dont ils captent une partie de la croissance. DHL, filiale de Deutsche Post, enregistre ainsi une croissance chaque année sur ce segment. "On voit bien que le business de l'entreprise grandit moins vite que celui du particulier, on est donc obligé de répondre à ce marché", explique Alfred Chantre qui estime à 8 % l'augmentation des volumes en direction des particuliers, dont les colis génèrent 16 % du chiffre d'affaires de la firme en France. UPS commence lui aussi à développer un réseau de points UPS access, déjà au nombre de 146 dans les Bouches-du-Rhône, 39 dans le Vaucluse et 10 dans les Alpes de Haute-Provence. L'expressiste implanté sur l'aéroport de Marignane et à Vitrolles à travers une plateforme de livraison a également développé une application pour piloter la remise d'un colis depuis son téléphone. "La livraison doit être aussi fluide et rapide que possible", souligne la porte-parole d'Amazon.

Au-delà du prix, et du délai, désormais la concurrence sur le marché B to C se joue sur l'innovation, et le confort du consommateur. DHL vient de lancer un appel d'offres pour sélectionner l'opérateur qui distribuera ses paquets dans le centre de Marseille, avec des véhicules verts et propose la livraison en vélo dans les 7e et 8e arrondissements depuis 10 mois, entre 18 h et 22 h en complément du retrait en Relais colis, réseau dont il est partenaire. Mondial Relay mise quant à lui sur de nouveaux services, comme le code Pin à la place de la présentation d'une pièce d'identité, déjà déployé en Belgique et bientôt en France, ou encore la possibilité d'imprimer ses étiquettes d'envoi dans le point relais... En attendant la prochaine révolution du marché : l'accélération du traitement des "petits paquets internationaux" à laquelle La Poste se prépare déjà. "L'affrontement entre Amazon et les opérateurs chinois devrait avoir lieu en Europe", prédit un observateur. L'enjeu : réduire le délai actuel - de 15 jours à 3 semaines - pour recevoir un colis venu du bout du monde.

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Wing : offrir aux petits e-commerçants la même frappe logistique que les e-leaders

90 % des petits et moyens e-commerçants subissent leur logistique et ne peuvent suivre les standards qu'imposent les géants du secteur (Amazon ou Fnac par exemple). C'est pour les décharger de leurs contraintes organisationnelles que la start-up Wing (ne pas confondre avec Wing Scooter la marque marseillaise de trottinettes électriques) a été lancée en octobre 2015 par Jean-Baptiste Maillant, Antoine Sentenac et Justin Brottes, venant de l'univers du retail et du e-commerce. "On a commencé à développer ce service en région parisienne, explique Jean-Baptiste Maillant. On a ensuite ouvert une antenne à Marseille. La famille Saadé s'est rapprochée de nous et nous a accueillis dans son incubateur ZeBox. Vous savez, chaque jour 180 000 marchands emballent les produits qu'ils ont vendus en ligne avant d'aller les déposer au bureau de poste le plus proche." Bref, une charge de travail supplémentaire et du temps perdu qui pourrait être mis au profit de leur développement. "Et c'est là que nous intervenons. Au-delà de la simple innovation technologique, Wing est aussi une innovation d'usage. Concrètement, nous libérons les e-commerçants de l'emballage et de l'expédition de leurs produits."

Comment ça marche ? "Nous collectons dans l'heure qui suit les produits, nous les emballons et nous les faisons acheminer jusqu'au client final par des transporteurs partenaires (Colissimo, Chronopost...). On travaille avec Chanel, The Kooples, Zadig & Voltaire. Nous gérons plus de 3 millions de colis sur la France entière. C'est ce qu'on appelle la logistique du premier kilomètre." Trois ans après, cinquante personnes réparties sur différentes villes travaillent pour Wing. "La R&D est installée sur Marseille et on a une équipe stratégique incubée à ZeBox, poursuit Jean-Baptiste Maillant. Nous réalisons aujourd'hui plus de 10 M€ de chiffre d'affaires pour 800 clients dans différents secteurs (prêt-à-porter, luxe, cosmétiques, accessoires, maroquinerie...). Le coût de ce service ? 2,50 euros par commande (collecte du produit, emballage, envoi du colis) + frais d'expédition. "On travaille avec GéoPoste, on espère intégrer Colis privé. On est présent à Lyon, Paris, Marseille et Bordeaux. Ce sera dix villes dans les deux prochaines années avec un CA de 100 M€ escompté."

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Hoppstore : un nouveau réseau de proximité qui s'apprête à imposer sa marque

Qui n'a jamais pesté contre le recommandé trouvé dans sa boîte aux lettres, qui vous propose d'aller récupérer votre courrier ou votre colis là où vous n'avez pas forcément le temps d'aller... C'est en pensant à cette mésaventure pour le moins commune, que les dirigeants du groupe aixois Hopps - Frédéric Pons, Éric Paumier et Guillaume Salabert - ont entrepris de lancer HoppStore. Une enseigne fruit de l'alliance de Hopps et de Culture Presse. Un réseau national de marchands de presse avec lequel a été conclu un accord exclusif pour que ses membres, lorsqu'intéressés par le projet et reconnus aptes à l'intégrer du fait d'une position géographique privilégiée, accueillent dans leur commerce une activité complémentaire d'envoi et de réception des colis.

Sur les 23 000 adhérents de Culture Presse, à terme 5000 donneront ainsi naissance au réseau de proximité que constitue actuellement Jérôme Paumier, directeur général. Celui-ci explique "que la sélection des 5000 magasins a été lancée début mai, en fonction de critères précis et stratégiques. Ils sont liés à l'emplacement qui doit permettre d'être à dix minutes en voiture d'une majorité de clients et de destinataires sur un périmètre donné". Un périmètre ramené "à cinq minutes à pied à Paris, pour un dépôt comme pour un retrait". Le magasin retenu comme "un point idéal accessible 7 jours sur 7 à compter du matin jusqu'au soir", doit aussi disposer d'une capacité de stockage. "Il devra aussi traiter un minimum de dix colis au quotidien". En échange et pour bien montrer que la qualité du service rendu se trouve au coeur de la démarche, le commerçant qui accueille l'activité, complémentaire pour lui, sera rémunéré 60 centimes l'unité.

Le maillage sera animé à partir d'un portail internet et d'une application à venir. Il proposera aux clients le choix entre quatre tarifications de base, auxquelles il sera possible de rajouter des options. Il faudra également prévoir la taille du colis à expédier et non son poids. "Il s'agit d'une offre de transport, l'ambition est d'être simple et clair", insiste Jérôme Paumier. Une fois l'enregistrement effectué et le paiement effectué, le client n'a plus qu'à déposer son colis ou son courrier chez un représentant de l'enseigne HoppStore. Au-delà, l'objectif est aussi de générer un volume d'activité captif pour Adrexo et Colis Privé, les deux piliers du groupe Hopps.

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