Pourquoi s'endetter permet de s'enrichir

Qui paie ses dettes s'enrichit. " Le vieil adage populaire a la vie dure : pour quiconque reçoit, gagne ou hérite d'une jolie somme à quatre ou cinq zéros, le premier réflexe est, dans la quasi-totalité des cas, de se dire : " Tiens, je vais en profiter pour rembourser mes crédits en cours. " Certes, s'acquitter de ses créances permet de se libérer d'une contrainte souvent lourde et de recouvrer un sentiment de liberté. Mais, à l'heure actuelle, d'un point de vue financier, c'est le pire calcul. Pour s'enrichir, au contraire, rien ne vaut l'effet levier du crédit. " C'est tout simplement la technique employée par les fonds d'investissement, les foncières, ainsi que ceux qui disposent de hauts revenus ", souligne Ludovic Huzieux, directeur associé d'Artemis Courtage. Hormis quelques formules réservées aux très gros patrimoines par certaines banques privées, l'immobilier (résidence principale ou secondaire, investissement locatif, parts de SCPI) est le seul actif qu'un particulier peut acquérir en empruntant.

De fait, les Français l’ont bien compris : dans l’immobilier ancien, les investisseurs ont réalisé 21 % des transactions en 2018, contre 15 % en 2017. « Ils sont échaudés par la volatilité des places boursières, la pierre est pour eux un choix de prédilection, analyse Yann Jehanno, président du réseau d’agences immobilières Laforêt. Ce sont aussi bien des investisseurs aguerris, qui profitent de taux historiquement bas, recherchant la rentabilité et multipliant les investissements locatifs, que des particuliers en quête d’un bien qui financera leur future retraite ou leur apportera un complément de revenus. »

Un coût nul, voire négatif

Dans le neuf, « dans la double limite de 300 000 euros et de 5 500 euros le mètre carré, le dispositif de défiscalisation Pinel permet en plus de profiter d’une réduction d’impôt pouvant aller jusqu’à 21 % du coût de l’opération, sous réserve de louer le bien pendant six, neuf ou douze ans à des loyers plafonnés », rappelle Farid Ailam, fondateur du cabinet de gestion de patrimoine Valorem Investissements.

Difficile, en effet, de résister au niveau historiquement bas des taux de crédit : ceux-ci sont restés toute l’année dernière inférieurs à 1,50 % (hors assurance), toutes durées d’emprunt confondues, selon l’Observatoire Crédit logement/CSA. Aussi, « face au niveau actuel de l’inflation, à 1,8 % selon l’Insee, le coût du crédit est nul, voire négatif », souligne Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vous-financer.com.

Des liquidités mieux allouées

Ensuite, l’allongement de la durée de prêt immobilier permet d’emprunter davantage et de diminuer le montant de l’apport nécessaire. « Certaines banques acceptent facilement de prêter plus si l’emprunteur justifie d’une épargne équivalente et, surtout, s’il la place chez elles, confirme Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux.com. Cela permet aux emprunteurs de conserver plus de trésorerie, pour faire face aux dépenses à venir, comme des travaux, ou aux coups durs, comme devoir changer rapidement de voiture. » Dans ce cas, attention toutefois à ne pas laisser dormir toutes ses économies sur un Livret A ou n’importe quel livret bancaire, dont les rémunérations très faibles se retrouvent grignotées par l’inflation.

S’il est important de conserver des liquidités, il faut arbitrer le reste des sommes disponibles sur des placements plus rentables. Par exemple, une assurance-vie, si celle-ci n’est pas exclusivement constituée de fonds en euros, ou un plan d’épargne logement, notamment ceux ouverts avant le 1er janvier 2015 et dont le taux de rémunération est de 2,5 %.

Dans le cas d’un investissement l’achat de parts de SCPI (sociétés civiles de placement immobilier), par exemple , les établissements bancaires ne demandent pas, la plupart du temps, d’apport personnel, juste de quoi couvrir les frais. « D’autant que, dans ce cas, les emprunteurs peuvent démontrer l’existence de revenus avérés », souligne Paul Bourdois, cofondateur de France SCPI. De plus, acheter à crédit permet de maximiser la rentabilité de l’opération : les intérêts d’emprunts sont déductibles des revenus générés, ce qui minimise l’imposition des revenus perçus.

L’assurance, un atout clé

Surtout, le gros avantage d’un financement à crédit, c’est l’assurance-emprunteur. « Les emprunteurs ont le réflexe de vouloir rembourser à tout prix pour ne pas laisser de dettes à leur conjoint ou leurs enfants, constate Cécile Roquelaure, directrice études du courtier Empruntis.com. Mais, en fait, en cas de décès ou d’invalidité, c’est l’assurance qui prendra en charge le remboursement du prêt. » Dans le pire des cas, donc, les héritiers pourront ainsi récupérer à la fois la propriété du bien et l’épargne non mobilisée par l’opération. Mais encore faut-il choisir la bonne assurance. S’il s’agit d’un emprunt sur deux têtes, la prise en charge des mensualités s’effectuera à hauteur de la quotité d’assurance attribuée à chacun. « Il faut donc veiller à la bonne répartition de ces quotités en fonction des revenus de chacun. Cela peut aller jusqu’à assurer chaque emprunteur à 100 %. Mais cela coûte cher, évidemment », précise Astrid Cousin, du courtier Magnolia.fr. Il faut faire jouer la concurrence par le biais d’une délégation d’assurance pour obtenir une assurance équivalente à celle proposée par la banque, ou une meilleure couverture, avec un rachat de garantie supplémentaire, pour le même tarif.

Virginie Grolleau