Coronavirus : trois questions sur la fermeture temporaire des entrepôts Amazon France

Amazon France baisse temporairement le rideau. A compter de ce jeudi et pour une durée indéterminée, ses six centres logistiques français seront fermés. Cette décision émane du groupe d'e-commerce, à la suite du jugement rendu mardi par le tribunal de Nanterre.

Qui est à l'origine de la plainte contre Amazon ?

Le tribunal judiciaire de Nanterre a été saisi par l'Union syndicale Solidaires (SUD), premier syndicat dans l'entreprise, pour une audience de référé le 10 avril. Alors que la fermeture des commerces non-essentiels a été ordonnée le 14 mars en raison de l'épidémie du coronavirus, ainsi que les activités rassemblant plus de 100 personnes, "Amazon poursuit son activité comme si de rien n'était", déplorait SUD dans un communiqué du 8 avril.

Le syndicat craignait une "bombe sanitaire et sociale", alors que "des cas avérés [de Covid-19] ont depuis été détectés sur plusieurs des sites et un premier employé est toujours en réanimation".

A la mi-mars déjà, plusieurs syndicats dénonçaient le manque de mesures sanitaires dans les sites logistiques d'Amazon en France, alors que l'activité de l'ogre du e-commerce est dopée par le confinement. L'inspection du travail a d'ailleurs réalisé cinq mises en demeure à l'encontre du groupe depuis le début de la crise du coronavirus. Trois ont déjà été levées et deux doivent être soumises à un nouveau contrôle.

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Que reproche la justice à Amazon ?

Dans un jugement rendu mardi 14 avril, le tribunal de Nanterre a estimé qu'Amazon France a "de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés", selon le jugement divulgué par l'AFP. Le tribunal évoque notamment le risque de la manipulation des colis par plusieurs intervenants et les faibles distances entre les employés dans les centres logistiques.

Conséquence : le géant du e-commerce a été sommé de restreindre "dans les 24 heures" et pour un mois son activité aux produits dits essentiels. Ainsi, Amazon pourra seulement opérer "des activités de réception des marchandises, de préparation et d'expédition des commandes de produits alimentaires, d'hygiène et médicaux". En cas de non-respect, le groupe de Jeff Bezos s'expose à une amende d'un million d'euros par jour de retard et par infraction constatée.

Le groupe avait annoncé le 21 mars cesser les commandes "moins prioritaires" pour privilégier les produits d'hygiène par exemple, mais l'annonce semble ne pas avoir été suivie d'effet dans les centres logistiques en France, selon SUD.

Toujours selon le jugement, Amazon France va devoir établir une évaluation des risques inhérents à l'épidémie de Covid-19 pour ses six entrepôts dans l'Hexagone afin de protéger ses quelques 10.000 salariés et intérimaires. Le groupe est dans l'obligation d'y associer les représentants du personnel. Enfin, la plateforme en ligne devra verser 4.800 euros de dommages à SUD.

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Quelles sont les conséquences pour Amazon ?

Amazon France a décidé de fermer ses six entrepôts à compter de ce jeudi pour une durée indéterminée, a précisé ce matin le directeur général France d'Amazon, Frédéric Duval, au micro de RTL. Le but est de nettoyer, d'évaluer les risques en période de coronavirus mais aussi d'anticiper le risque de contrevenir à la restriction de son activité aux produits essentiels. "C'est d'une ambiguïté énorme", a regretté Frédéric Duval sur RTL. "Je ne sais pas définir exactement qu'est-ce qu'un produit d'hygiène : est-ce qu'un coupe-ongle en est un ? Est-ce qu'un préservatif est un produit médical ? (...) Dans ces conditions, compte tenu du montant de l'amende, nous sommes dans l'obligation de fermer nos sites."

La fermeture temporaire des entrepôts était la principale demande portée par SUD, au motif qu'ils concentrent plus de 100 salariés, mais elle n'a pas été retenue par le tribunal de Nanterre.

"Nous restons perplexes quant à la décision rendue par le tribunal (...) et faisons appel de cette décision", a réagi dans un communiqué de presse Amazon France.

L'appel n'est cependant pas suspensif ; le groupe devra donc se plier au jugement rendu cette semaine en attendant de voir l'affaire re-jugée.

Le groupe dit avoir apporté "des preuves concrètes" quant aux mesures de sécurité mises en oeuvre. Amazon France dit avoir distribué sur ses sites "plus de 127.000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27.000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques" et avoir "mis en place des contrôles de température et des mesures de distanciation sociale".

La fermeture de ses centres logistiques ne veut pas pour autant dire qu'Amazon va totalement arrêter les livraisons en France. En effet, plus de 10.000 TPE et PME françaises utilisent la marketplace Amazon pour y vendre leurs propres produits. Parmi eux, certains gèrent eux-mêmes les stocks et l'envoi des colis. Ces derniers devraient donc pouvoir continuer leurs activités en respectant les nouvelles restrictions.

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