Que vaut Loop, le projet de site e-commerce qui réinvente la consigne

Consommer local, acheter des produits bio, cuisiner à partir de produits bruts, réduire ses déchets… Autant de préoccupations nouvelles qui bouleversent les industriels de la grande consommation, dont certains sont de véritables symboles de la mondialisation comme Coca-Cola Company. Conscientes de l'enjeu, elles font feu de tout bois pour s'y adapter. Elles signent ainsi des partenariats avec des agriculteurs, lancent des gammes bio ou encore modifient leurs packaging pour réduire les emballages. Dernier exemple en date : le lancement, par 25 multinationales du secteur (Coca-Cola Company, Procter & Gamble, Unilever, Nestlé, The Body Shop, BIC, Mondelez…), d'une plateforme e-commerce reposant sur un système d'emballages consignés.

Dévoilé au Forum économique de Davos le 24 janvier, ce projet porté par l'entreprise TerraCycle et baptisé Loop, sera testé dès le printemps prochain à Paris et New-York. Concrètement, les consommateurs préalablement inscrits sur le site (en phase de test, les places sont limitées à quelques milliers) pourront commander des biscuits Milka, des glaces Haagen Dazs ou encore de la lessive Ariel, conditionnés et livrés dans des emballages spécialement conçus pour être réutilisés, moyennant le paiement d'une consigne de deux à dix euros. Le livreur viendra ensuite récupérer les contenants sales pour les remettre dans le circuit lors de la prochaine commande.

"Ne pas trop changer les habitudes"

“Le recyclage plafonne, il faut innover dans ce domaine pour s'adapter aux nouvelles façons de consommer, explique Laure Cucuron, directrice générale de TerraCycle. Cette entreprise fondée en 2001 aux Etats-Unis par Tom Szaky est spécialisée dans “l'élimination de la notion de déchet”. Elle accompagne notamment des grandes enseignes comme BIC pour laquelle elle a lancé dès 2011 un programme de collecte de stylos usagés. “Nous pensons que pour convertir un maximum de monde à la problématique de la réduction des déchets, il est important de ne pas trop changer les habitudes, et donc permettre d'acheter les grandes marques”, ajoute Laure Cucuron.

Qui du bilan carbone ? 

Mais si le projet Loop a de quoi emballer sur le papier, quid du bilan carbone ? En effet, le système tel qu'il a été imaginé repose sur des transports supplémentaires, même si tous les partenaires affirment “les optimiser au maximum” et “s'appuyer sur le réseau existant”. Ainsi, les emballages récupérés seront amenés au nettoyage à Besançon, soit à 400 km de Paris, pour ensuite être renvoyés chez les partenaires dans leurs différentes usines, qui peuvent être situées partout en France, voire à l'étranger ! “Ce qui a le plus d'impact sur l'environnement est l'extraction des matières premières”, justifie Laure Cucuron. D'après les calculs de l'organisation, à partir de cinq réemplois, l'emballage aurait un impact carbone inférieur à ceux des objets à usage unique... livrés par l'e-commerce classique, qui génère déjà son lot de camions.

Loop serait-elle alors une opération de greenwashing des marques ? Pour le moment et compte tenu de l'effort d'adaptation des chaînes logistiques, les multinationales ne proposent que quelques uns de leurs produits sur Loop. De fait, la plateforme ne comptera qu'une centaine de références au lancement. L'objectif est d'atteindre 600 références dans un an. Les ventes espérées (il n'y a pas d'objectif précis) ne représenteront alors qu'une goutte d'eau comparée aux milliards de chiffres d'affaires générés par ces grosses boîtes chaque année dans le monde.  Or, l'efficacité du dispositif reposera essentiellement sur les volumes, qui permettra d'optimiser les flux de camions et rentabiliser l'opération. “Nous voulons bien entendu accueillir aussi de plus petites marques et augmenter le nombre de références pour apporter de la diversité”, poursuit Laure Cucuron.

Loop by Carrefour

Le projet devrait ainsi monter en puissance dans les prochains mois. D'autant que Carrefour, qui propose vingt produits sur Loop, du miel en passant par les épices, va déployer progressivement Loop dans son offre e-commerce. Pour le moment, il s'agit du seul distributeur associé au projet en France, protégé par une exclusivité de quelques mois. “Nous allons tester la consigne cet été dans nos drives, le canal idéal pour nous, et pourquoi pas dans nos commerces physiques”, explique Bertrand Swiderski, directeur RSE de Carrefour. D'autres distributeurs pourront, à terme, rejoindre le développement de Loop en France. Quant à TerraCycle, elle prévoit déjà d'étendre Loop à Londres fin 2019, puis Toronto, Tokyo et San Francisco.