Alors que l'usage de la taxe d'apprentissage dans l'enseignement supérieur fait débat, le sujet est ultra-sensible. Ainsi, malgré leurs promesses, les écoles de commerce brillent par leur manque de diversité sociale. Selon une note du ministère de l'enseignement supérieur, publiée fin janvier, elles sont même en queue de peloton en ce qui concerne le nombre de boursiers sur critères sociaux. Ils ne représentent que 13,5% des effectifs contre 28,9% en classes prépas et 39,5% à l'université. Pourtant, HEC comme l'EMLyon ou Skema affirment parier sur la diversité des profils, que réclament les entreprises, même si la hausse régulière des droits de scolarité n'y aide pas. Ainsi, un boursier à l'échelon 7, le plus élevé dans la grille des aides sociales, touche 5 551 euros par an, ce qui représente un tiers des frais de scolarité annuels de ces écoles.
Une discrimination également liée aux contenus des concours
Mais il n'y a pas que les inégalités financières qui pèsent. Le poids de la culture générale et du grand oral au concours d'entrée est aussi un facteur de discrimination pour les jeunes issus des classes populaires. A HEC, un candidat boursier a ainsi trois fois moins de chance d'être admis qu'un non-boursier (3% contre 9% en 2018)! "Le fait d'avoir rendu le concours gratuit pour ces jeunes est peut-être une clé d'explication", avance Eloïc Peyrache, directeur associé. Et de rappeler que son école est très volontaire dans le domaine de l'égalité des chances. Grâce à sa fondation, HEC allège les droits de scolarité des élèves selon l'échelon de leur bourse d'Etat, jusqu'à la gratuité totale. "En 10 ans, nous sommes passés de 7% à 18% d'étudiants aidés, dit-il. Et nous visons 25%."
Des frais de scolarité qui dissuadent les classes populaires
Mais ce généreux dispositif, qui représente jusqu'à 40 000 euros sur trois ans, inciterait des familles à tricher. "Nous avons resserré les conditions avec des attestations sur l'honneur, la taxe d'habitation et d'autres documents fiscaux, indique Eloïc Peyrache. Certains préfèrent alors renoncer aux aides." De son côté, l'EMLyon propose depuis 2016 avec Adecco des CDI intérimaires, une sorte de contrat en alternance offrant une rémunération et des droits de scolarité allégés.
L'accès à la taxe d'apprentissage pourrait être limitée pour ces écoles
En pleine réforme de la formation professionnelle, le gouvernement s'interroge sur l'accès de ces écoles à la taxe d'apprentissage, invoquant leur élitisme. Il est question de caper le montant de la prise en charge par les entreprises en deçà du coût réel de la formation en master. Cela représenterait un manque à gagner considérable pour les business schools puisque les contrats en alternance leur rapportent plus de 100 millions d'euros par an. "Ce serait catastrophique pour l'ouverture sociale", alerte Alice Guilhon, directrice de Skema et présidente du chapitre des écoles de management de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE), qui estime que la note du ministère est biaisée. Et d'expliquer : "Près de 10.000 étudiants en master sont en apprentissage dans nos écoles. Ils ne sont donc plus comme boursier." Ce sont d'ailleurs souvent les moins riches d'entre eux.