Haute Couture: quand le high-tech et l'artisanat se rencontrent

Très réglementée, la Haute Couture est représentée actuellement par seulement 15 membres permanents, dont Chanel, Christian Dior, Givenchy ou encore Jean-Paul Gaultier. Quelques maisons étrangères bénéficient du label de « membre correspondant », comme l’Italien Armani ou le Libanais Elie Saab, tandis qu’une poignée de membres « invités » attendent leur tour pour intégrer pleinement ce groupe select.

La maison Rabih Kayrouz, par exemple, vient de se voir accorder par la Commission de classement couture création du ministère de l’Économie et des Finances l’appellation Haute Couture, et le créateur libanais a défilé pour la première fois comme membre permanent. Comme ses collègues, il souhaitait bénéficier de l’aura de la Couture, cette discipline exclusivement parisienne née au XIXe siècle et qui, pour certaines marques, est avant tout un outil d’image et de communication.

Retour de Balmain

Ce n’est donc pas par hasard si la maison Balmain a décidé de revenir au calendrier de la Haute Couture, après 16 ans d’absence. Avec la rigueur qu’il se doit, le styliste Olivier Rousteing a présenté des modèles qui mélangeaient certains codes historiques de la marque créée en 1945 avec ceux imposés par ce jeune directeur artistique star des réseaux sociaux. Du blanc et des tons pastel cohabitaient avec des broderies et des milliers de perles en cristal Swarovski. Le tout dans des robes parfois très courtes – l’une des marques de fabrique de Rousteing – accessoirisées par des lunettes de soleil aux allures rétro futuristes.

La maison, qui appartient depuis 2016 à Mayhoola, un fonds d’investissement détenu par la famille royale du Qatar, a compris que la Haute Couture était redevenue une vitrine incontournable et met les moyens pour faire la différence. Exemple avec l’application mobile lancée par la marque, qui a permis aux fans d’assister le défilé depuis leur smartphone comme s’ils y étaient, grâce notamment à la réalité augmentée.

L’avenir de la Haute Couture

La plupart des maisons ont suivi presque religieusement les préceptes de la Haute Couture, qui a construit sa réputation notamment grâce au savoir-faire artisanal des brodeurs, plumassiers, passementiers et autres métiers presque en voie de disparition. Mais certains créateurs, surtout la jeune génération venue des quatre coins de la planète, se posaient cette saison la question de l’évolution de la discipline et s’interrogeaient sur les possibilités d’expérimentation que peuvent apporter les nouvelles technologies. Après tout, la Couture est aussi un laboratoire pour la mode.

La Néerlandaise Iris Van Herpen, par exemple, nous amène dans l’espace. Et même si l’inspiration de la collection vient des représentations mythologiques et astrologiques de la cartographie du XVIIe siècle, la créatrice, connue pour son intérêt par l’impression en 3D, pousse encore plus loin le curseur high-tech, avec des robes aux allures de nuages aquatiques, crées en collaboration avec l’artiste et ancien ingénieur de la NASA Kim Keever. Le grand final, marqué par l’installation laser de l’artiste Nick Verstand, complétait la mise en scène planante et résolument tournée vers l’avenir – réel ou rêvé.

Entre défilé et performance

La jeune créatrice autrichienne Flora Miranda, qui a d’ailleurs fait ses armes aux côtés de Iris van Herpen, a préféré une présentation dans une salle de cinéma du Grand Rex. Mélange de défilés et performance, elle questionnait l’avenir de la mode, des méthodes d’apprentissage des métiers créatifs de cette industrie en pleine mutation, ainsi que les limites de la Haute Couture, où la dimension artisanale, à ses yeux, semble être peu à peu remplacée par les nouvelles technologies.

Dans sa collection intitulée Deep Web, elle traite la production de vêtements par l’intelligence artificielle. Partant de l’image d’Amanda Lepore, artiste transgenre et muse du photographe David LaChapelle, la créatrice s’inspire d’un corps en quête extrême des stéréotypes de la féminité. Sur la scène, des formes hypertrophiées alertent sur l’influence des machines et des data, qui compilent nos goûts, sur les futures images corporelles et nos idéaux de beauté.

Néanmoins, il y a ceux qui naviguent entre le high-tech et l’artisanat. C’est le cas du japonais Yuima Nakazato, qui s’est amusé à récréer un mode d’assemblage de vêtements sans fil ni aiguille, coupés au laser, mais montés manuellement. Très ingénieux, il laisse de côté les effets artificiels de ses collections précédentes et préfère aborder la question de la durabilité de ce que l’on porte, avec un système de boutonnage qui permet aux pièces d’évoluer au fil des années. « La durée de vie d’un vêtement devient de plus en plus courte, dit-il. J’aimerais, avec cette méthode, essayer de les rendre plus durables », explique le jeune créateur, dans une réflexion sur les cycles de la mode de plus en plus présence dans cette industrie, y compris dans la Haute Couture.

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