À Limoges, les étudiants les plus démunis peuvent compter sur la Banque Alimentaire et une épicerie solidaire

Empilés vides à même le sol du hall d'entrée, des sacs plastiques se remplissent à vive allure de boîtes de conserve et de paquets de céréales. Entre autres. Les denrées sortent des rayons de l'épicerie sociale et solidaire des étudiants de Limoges (AESSEL). Une association installée au rez-de-chaussée de l'immeuble, dans le quartier du Val de l'Aurence. 

Comme tous les lundis, les bénévoles de l'AESSEL s'affairent. L'arrivée matinale des deux camions de la Banque Alimentaire 87 sonne le coup d'envoi de leur journée agitée. Les véhicules livrent sept palettes de fruits, légumes et autres conserves. Par-dessus la rambarde du balcon, les bénévoles de la Banque Alimentaire transmettent la marchandise à ceux de l'AESSEL. 

Des livraisons peu ordinaires ... par dessus les rambardes.

Les débuts pendant le confinement

Tout ceci est destiné aux étudiants les plus nécessiteux du CROUS de Limoges. « Nous avons mis en place cette distribution avec la Banque Alimentaire au tout début du confinement. Beaucoup d'étudiants avaient perdu leur travail, les étrangers ne pouvaient pas rentrer chez eux. Ils étaient nombreux à se sentir seuls, dans leur petit logement. Notre rôle étant de lutter contre la précarité étudiante, nous nous devions d'agir », raconte Adam Sebia, lui-même étudiant à l'IAE et trésorier de l'AESSEL. 

« Les colis sont équilibrés. Il y a des fruits, des légumes, des laitages, des produits d'hygiène, de la viande, etc. »

Mireille Brechet (présidente de la Banque Alimentaire 87)

En mars, l'association livrait une centaine de colis alimentaires par semaine. Depuis le mois de juin, il y en a près de 250. Cela grâce à la Région Nouvelle-Aquitaine, qui finance les actions des Banques Alimentaires sur les CROUS à hauteur de 325.000 euros. « Pour chaque colis, nous recevons 13 euros. La Région nous impose, en échange, d'acheter des produits bio et locaux », précise Mireille Brechet, présidente de la Banque Alimentaire 87. 

Des produits locaux

Les paniers hebdomadaires se composent pour moitié de produits de récupération et de produits achetés par la Banque Alimentaire. « Les pommes proviennent de Limdor, les légumes d'un agriculteur local. Les cakes et le fromage sont creusois ! », sourit Jean-Michel Aufort, vice-président bénévole de la Banque Alimentaire. 

Une fois entreposés entre les étals de l'AESSEL, les denrées sont comptées puis dispatchées dans les sacs plastiques. Une dizaine d'étudiants prêtent main-forte, chaque lundi.

Des paniers variés.

Une précarité accentuée pendant le confinement

La plupart d'entre eux bénéficient aussi des colis. « Je devais rentrer cet été en Algérie, chez mes parents. À cause du COVID-19 et la fermeture des frontières, je suis resté coincé en France. J'ai aussi perdu mon travail étudiant de serveur pendant le confinement, et les 800 euros mensuels qui vont avec. Cela n'a fait qu'empirer ma situation déjà précaire », témoigne Rafik, étudiant à la fac de sciences de 24 ans et bénévole à l'AESSEL. 

« Si les étudiants ne sont pas disponibles pour venir chercher leur colis le lundi, ils peuvent venir le chercher à l'épicerie le mercredi ou le samedi. Je peux aussi m'arranger pour leur livrer. »

Adam Sebia (empty)

Quelques minutes plus tard, le garçon s'installe dans une salle d'études de la résidence de La Borie, mise à disposition par le CROUS, partenaire de l'opération. En plus de cette résidence, l'AESSEL organise ses distributions hebdomadaires sur les sites Guérin et d'Aurence. Rafik doit appeler, un par un, les étudiants inscrits pour les prévenir de son arrivée. Il n'a plus qu'à les attendre, entre les sacs de produits frais, ceux de produits secs et les cartons de serviettes hygiéniques.

Rafik, au milieu des colis

Un décalage de 4 mois qui « fait mal »

Sacha, un jeune homme de 21 ans qui étudie à la fac de sciences, arrive parmi les premiers. « Je devais débuter un stage rémunéré en avril. Je ne le commence que maintenant, à cause du COVID-19. Ce décalage de quatre mois fait très mal financièrement ! Cette aide alimentaire m'a permis de ne plus terminer les mois dans le rouge. Je n'ai même pas besoin de la compléter. »

Rafik acquiesce. « Avoir ce colis alimentaire toutes les semaines, c'est un souci en moins. D'autant plus que ce sont de bons produits ! » Pour jouir de l'aide, totalement gratuite, les étudiants doivent s'inscrire chaque semaine auprès de l'AESSEL. « La condition pour en profiter est d'avoir un reste à vivre inférieur à dix euros », prévient Adam Sebia. 

L'aide maintenue jusqu'à fin septembre

La crise du nouveau coronavirus a sérieusement dégradé les conditions de vie, déjà difficiles, des étudiants. « Pour eux, il n'est pas évident de combiner un job et les études. Ils sont nombreux à ne pas pouvoir manger sainement et varié, faute d'argent », poursuit le trésorier de l'AESSEL.

Mariana, 25 ans, une Uruguayenne bénévole et bénéficiaire.

Mariana, une Uruguayenne de 25 ans, a abandonné son travail il y a quelques mois pour mieux se consacrer à ses examens de LEA. Malgré ses 300 euros mensuels de loyer à payer. « L'aide alimentaire, c'est 80 % de ce que je mange chaque semaine », souffle celle qui aide aussi l'AESSEL. 

En pleine crise sanitaire du coronavirus, les associations caritatives maintiennent leurs missions en Limousin

Face aux mesures sanitaires imposées par la crise sanitaire, les restaurants universitaires risquent de ne toujours pas pouvoir accueillir tout le monde à la rentrée. « L'aide se poursuivra au moins jusqu'à fin septembre », assure Mireille Brechet. Une manière de rappeler que les étudiants esseulés ne seront jamais abandonnés. 

 

Thibaud Delafosse

(Source)